Je ne m’attendais à rien, sauf à l’imprévisible. Et peut-être à de l’impertinence. À de la joie de vivre aussi.
Je connais Sophie Fontanel depuis que j’ai l’âge de regarder les dessins dans Elle. L’auteure de Fonelle s’est incarnée à mes yeux très récemment cependant, depuis que je la suis sur les réseaux sociaux - Instagram tout particulièrement - où je découvre avec délice ses jeux de mots toujours brillants, en français et en anglais. Ses jeux d’images, toujours éclairés.
J’étais donc assez curieuse de lire son dernier livre : La vocation.
Au pays de : « Traversant tout le XXe siècle, La vocation raconte le destin d’une famille d’émigrants arméniens fascinée par l’élégance française. En 1923, Méliné à vingt-deux ans et fuit les persécutions subies par son peuple, une page de Vogue coincée dans sa manche. Elle rêve de mode. Quatre-vingts ans plus tard, sa petite-fille, Sophie, journaliste, est nommée au poste de directrice de la mode à Elle, accomplissant ainsi le destin familial. »
L’admiration
« L’ombre des ramures flotillait sur la nappe blanche, d’une main je jouais des notes, sur les reflets, et de l’autre, je faisais tintinnabuler les glaçons dans mon verre ».
Cela doit être une des premières fois que je lis le mot « tintinnabuler ». Parce qu’il me rappelle une chanson d’enfants ou parce qu’il est aussi poétique qu’évocateur, j’ai su, dès la troisième phrase du livre que, peu importe son contenu, les mots seraient de mon côté.
L’écriture de Sophie Fontanel est libre, elle coule et raconte une histoire, naturellement.
Elle est libre, parfois atypique, inhabituelle. Libre comme l’écriture des surréalistes pouvait l’être. Libre dans le rythme qui laisse toute liberté, justement, aux virgules d’exister, parfois de ne pas être. J’ai dû, oui, revenir sur des phrases, m’adapter, trouver la bonne respiration et ainsi réussir à lire l’auteure. La lire pour la comprendre, comprendre son rythme, sa liberté et son esprit.
Cela ne m’a pas dérangée, bien au contraire. Assister à la liberté dans l’écriture de l’autre, quel plaisir.
Et puis, au-delà de la pertinence des mots, je reste admirative et envieuse, évidemment curieuse de cette passion ultime, transcendante, évidente pour la mode et l’élégance.
« Les vêtements sont un lien sûr entre les gens ».
La sincérité
A la pertinence des mots de Sophie Fontanel résonne l’impertinence de l’être. Une impertinence brute et sincère, jamais brutale. Celle qui semble capable de créer une complicité sans jamais être intime, sans jamais s’imposer est d’une impertinence bienveillante, qui éveille sans réveiller.
Je découvre sa bonté et sa gentillesse, jamais feintes. Et j’apprécie la tendresse dont elle fait preuve dans la manière dont elle raconte ses histoires de famille, de boulot. Anecdotes, morceaux choisis de vies, il n’y a pour autant aucun étalage. Rien de prétentieux dans ses rencontres avec les plus grands noms de la mode, là n’est pas l’objet. On devine, en pointillés.
Ne transparaissent aucun jeu, aucune réécriture du soi, qui, parce qu’il est écrit, se réécrit déjà. C’est donc un vrai plaisir de découvrir cette femme puissante préférant la liberté au pouvoir.
Les mots de Sophie Fontanel dans La vocation sont à son image, élégants.
La phrase : « Ca lui filait de l’âme aux doigts ».
Le tip : Si, comme moi, votre vocation peine à émerger, faites comme Sophie Fontanel, commencez par être libre…
L’itinéraire : Sophie Fontanel, La vocation, Ed. Robert Laffont, 2016. 336p