
« C’est presque toujours quand vous êtes pas en forme pour discuter que les autres arrêtent pas ».
J’ai refermé L’attrape-coeurs de J.D. Salinger et j’ai fait une chose que je fais très rarement avant d’écrire une chronique : je suis allée sur internet. J’ai lu à propos de ce livre.
Le danger d’écrire des « chroniques » sur ses lectures c’est de vouloir écrire pour écrire. Lire pour écrire. Or pendant ma lecture, c’est exactement ce qu’il s’est passé : je me suis demandé ce que je pourrais bien écrire.
Au pays de : « L'attrape-coeurs, roman de l'adolescence le plus lu dans le monde entier, est l'histoire d'une fugue, celle d'un garçon de la bourgeoisie new-yorkaise chassé de son collège trois jours avant Noël, qui n'ose pas rentrer chez lui et affronter ses parents. Trois jours de vagabondage et d'aventures cocasses, sordides ou émouvantes, d'incertitude et d'anxiété, à la recherche de soi-même et des autres. L'histoire éternelle d'un gosse perdu qui cherche des raisons de vivre dans un monde hostile et corrompu ».
Qu’y a-t-il à dire sur L’attrape-coeurs ? Que puis-je, moi, en dire ? Je m’attache toujours aux émotions et ressentis que provoque le voyage. Pendant 90 % de ma lecture, mon constat sur l’état de mes émotions était fatal : rien.
Le bourdon
Ce n’était pas un rien de désintérêt ni de désamour. C’était le rien du vide. J’étais là, avec Holden, le personnage principal. Je l’ai écouté raconter son histoire, j’ai même ri, mais je ne savais pas quoi lui dire.
Ces histoires qui nous laissent muets. Elles sont nécessairement dignes d’intérêt puisqu’elles concernent quelqu’un, pour autant elles ne nécessitent pas toujours que l’on y réponde.
Voilà, je n’avais pas réponse, pas d’écho. L’histoire d’Holden était contagieuse, son « bourdon » aussi.

La digression
J’aurais volontiers appelé ce livre La digression.
Pour la folie qu’il contient. Cette marginalité. Pour la brillante personnalité d’un adolescent qui ne colle pas. Qui s’en rend compte, qui se perd et qui digresse. Pour son Je honnête autant que pour l’oralité qui, semble t-il, a tant choqué les États-Unis.
J’ai refermé ce livre. Je suis allée sur internet. J’ai lu un article du Monde, tronqué, édition abonné oblige. J’ai ouvert une page pour écrire ma chronique. J’ai regardé la quatrième de couverture. Il n’y avait pas de résumé. Pas d’Au pays de. J’ai pensé que c’était un signe. Puis j’ai décollé l’étiquette du prix. On a toujours deux choix : soit des lambeaux de papier restent collés et on se dit finalement que le mieux est l’ennemi du bien ; soit on décolle l’étiquette, mais pas la colle. Et on se dit, encore une fois, que le mieux est l’ennemi du bien.
J’ai repris ma chronique.
Je baisse les yeux. Les quatre coins de l’étiquette sont décollés. Ils laissent apparaître un bout du nom de l’éditeur. Et je me rends compte que l’image de la couverture du roman est un cheval transpercé. Je m’interroge sur le rapport entre la violence de la couverture et le contenu du livre, et je me dis que L’attrape-coeurs est sans doute plus violent qu’il n’y parait.
J’aurais volontiers appelé ce livre La digression.
La phrase : « Faut être en forme pour faire ça. »
Le tip : N’abandonnez pas avant le chapitre 24.
L’itinéraire : J.D. Salinger, L’attrape-coeurs, Coll.Pavillons Poche, Édition Robert Laffont, 1986. 256 p.
* Quatrième de couverture provenant du site internet A la lettre