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Le Garçon, Marcus Malte


Photo : Le Garçon, Marcus Malte

« Le garçon parle seul et sans bruit. »

535 pages. 535 pages de silence. 535 pages où Le Garçon, ce garçon, ne nous dira rien. Il ne nous dit rien et pourtant, c’est sa vie, presque entière, que Marcus Malte nous invite à découvrir. La découverte de la civilisation et des hommes, de l’amour et de la mort.

Une découverte silencieuse, certainement pas immobile.

Au pays de : « Il n’a pas de nom. Il ne parle pas. Le garçon est un être quasi sauvage, né dans une contrée aride du sud de la France. Du monde, il ne connaît que sa mère et les alentours de leur cabane. Nous sommes en 1908 quand il se met en chemin - d’instinct. »

La rencontre

« Eux savent .»

Le plus troublant dans ce roman n’est pas tellement l’absence de nom du Garçon, ni son silence. Le plus troublant, me semble-t-il, est notre rencontre avec lui. Notre similarité. Lecteur et protagoniste, une seule fois réunis dans un silence de mots. Le garçon est là, il écoute, comme nous. Et comme nous, il ne répond pas au récit de sa vie. Il ne peut pas.

Il agit, il existe, il évolue. Il rencontre autant de personnes que le lecteur en découvre. Et comme le lecteur, il ne dit mot. Il assiste, il observe.

Comme nous, il ne sait pas. Les autres savent.

Pas lui, pas nous. Deux espaces-temps et une étrange ressemblance. Attachante, elle nous lie, évidemment.

Elle nous sépare ensuite. À mesure qu’il rencontre les hommes, sa naïveté rencontre notre mépris. Ses questions sur la vie sont presque trop simples. Il en devient faible. Il nous déstabilise alors, nous, « êtres à nom » et à parole. Comment (et pourquoi) pureté devient instantanément synonyme de faiblesse ?

Photo : Le Garçon, Marcus Malte

Le malaise

Puis peu à peu son silence m’oppresse.

Ce silence qui se transforme, pour moi en tout cas, en nécessaire absence de consentement.

Ce silence, qui, s’il est beau dans la nature, amusant en amitié, paraît inconcevable en amour.

Pour raconter l’initiation amoureuse et sensuelle du garçon, Marcus Malte nous prête les mots de la femme que le garçon rencontre. Ses mots, ses phrases, ses monologues. Elle parle, elle pense, elle construit une relation - manifestement consentie - sur un monstrueux silence.

Ce silence du consentement. Et cette absence de consentement par les mots m’a rendue mal à l’aise. Il m’a fait souffrir. Il était pesant.

Mal à l’aise, je l’ai été un peu, aussi, je dois l’avouer, devant les pages et les pages d’érotisme, de jeux et de mots, de poèmes érotiques et d’initiation. Roman-fleuve. Longueur.

Alors étonnamment, moi qui suis plus « roman d’amour » que « roman de guerre », c’est la guerre, celle des tranchées, celle de la boue et du sang qui m’a sauvée de cette gêne.

La maîtrise

Le Garçon est un roman-fleuve qui traverse les trente premières années du XXe siècle. Il le traverse, tel est le mot juste. L’histoire du garçon est ponctuée de l’Histoire de France et du monde de l’époque. L’avant-guerre, la guerre, l’après-guerre. Comme pour nous rappeler que l’Histoire est surtout faite d’histoires. Parfois simples, parfois surréalistes.

Le Garçon est un roman entier. Entier par son imperfection : ses moments de grâce, d’écriture et d’histoires. D’Histoire et d’Humanité. Ses moments plus lents, où l’envie de tourner les pages, plus vite, nous saisit, nous implore. Mais les mots s’attachent, s’accrochent, n’en finissent pas de s’imprimer. Les mots nous ralentissent, puis nous élèvent, nous stoppent. Est-ce une citation déguisée ? Un clin d’œil ici ? À qui, à quoi ?

Le roman de Marcus Malte me semble être de ces romans que l’on peut étudier à l’école. Ces romans qui nous restent, qui nous obsèdent, que l’on hait pour leur longueur, leur complexité, leur densité et dont on ne se détachera pas. Jamais vraiment.

La phrase : « Les gens du voyage dit Brabek. C’est ainsi qu’on les nomme. Mais au bout du compte, est-ce que nous ne sommes pas tous du voyage ? »

Le tip : Autorisez-vous à sauter quelques passages…

L’itinéraire : Marcus Malte, Le Garçon, Éditions Zulma, 2016, 544p.

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