Pour suivre l’histoire d’Alex Capus dans Le faussaire, l’espionne et le faiseur de bombes, il faudra monter dans son train. Le voyage ne sera pas complet si vous ne vous joignez pas à lui. Il faudra passer par l’Autriche, la Suisse, la Grèce, l’Allemagne, la France, l’Italie, les États-Unis. Il faudra s’asseoir, regarder le paysage, attendre. S’asseoir et attendre que l’histoire se révèle, qu’Alex Capus la dévoile.
Au pays de : « Novembre 1924, gare de Zurich, trois jeunes gens se croisent sous la plume d’Alex Capus. La vie les attend, les voies à emprunter semblent innombrables. A chaque intersection, une décision s’impose pour engager leur destin et choisir leur camp. […] Alex Capus raconte le cheminement de deux hommes et d’une femme ayant vécu intensément le XXe siècle. »
Au fil de l’eau
Parce que si les mots nous procurent littéralement tous les indices, ils restent parfois muets sur la destination du texte qu’ils servent.
Où allons-nous ? Voilà ma seule interrogation alors que je commence ce roman. Alex Capus connaît-il lui-même la fin ? Que raconte-t-il ? Écrit-il au fil de l’eau ? Tout cela a-t-il un sens ?
Trois personnages se croisent sans le savoir. Les rencontrons-nous, nous aussi, au hasard de la page ? La finalité du livre Le faussaire, l’espionne et le faiseur de bombes m’est obscure.
Nous les suivons, ces deux hommes et cette femme, c’est certain. Le destin a choisi pour nous, les personnages sont imposés. Ce qui est également certain, c’est que nous suivons ces personnages autant que nous suivons l’auteur, qui fait lui-même intrusion dans son propre récit.
L’histoire est sienne, il la maitrise.
« Suis-moi si tu veux ».
Je le suis.
Et puis, au hasard de noms, de dates, de lieux et d’une histoire qui résonne, je m’interroge. Serais-je passée à côté d’une histoire ? Ne serais-je qu’en train de lire une infime partie du roman sous mes yeux ? Serais-je réellement passée à côté de l’Histoire ?
Fidèle à moi-même, je ne m’attache guère aux quatrièmes de couverture. Dans celle qui concerne Le faussaire, l’espionne et le faiseur de bombes, tout était annoncé. Les mots et les mots-clés m’attendaient : les personnages sont des personnes et leurs histoires construisent l’Histoire.
La fiction est reconstitution.
L’air de rien
Les descriptions impressionnantes de précision semblaient exister pour fournir de la consistance au récit, les débats scientifiques sur la place de la machine dans le monde ou sur la physique quantique, chaque prouesse artistique d’un dessinateur né, tout était là pour contextualiser avec génie un roman sans histoires. Avant que je comprenne.
Avant que je comprenne qu’Alex Capus n’a jamais eu besoin de suivre une trame construite et organisée autour d’un climax bon pour tenir en haleine un lecteur féru de romans à intrigues. Que ses mots n’ont pas besoin de servir la finalité d’une histoire, puisqu’ils ne sont ici que pour donner vie à l’histoire qui existe.
Alors, l’air de rien les descriptions font sens et se déploient dans un monde réel, à l’aune de la Seconde Guerre Mondiale. L’histoire, tout à coup, se révèle. Les personnages basculent. Chacun incarne l’Histoire du XXe siècle.
Alors, l’air de rien, si l’histoire est connue, il faudra patienter pour assister à la naissance du titre.
La phrase : « […] il prit racine dans l’exil, contre son gré. »
Le tip : Les trois personnages ont existé.
L’itinéraire : Alex Capus, Le faussaire, l’espionne et le faiseur de bombes, Actes Sud, 2015. 288 pages.