
Au pays de : « La triomphante est l’histoire d’une enfant d’Orient rêvant à l’Europe, la cavalcade d’une étrangère dont la seule patrie est la littérature, l’humour et l’ironie. »
La triomphante est l’histoire d’une Égyptienne, mère anglaise, père italien, rêvant en langue française, de récits de guerre et de batailles navales, de Conrad et de Lawrence d’Arabie. C’est l’histoire d’une femme, révoltée, indocile et non conformiste.
L’intrigante
Quel est son nom ? En a-t-elle un ? Je ne sais déjà plus. L’ai-je su ?
L’héroïne, comme son récit, est intangible, évanescente. Là sans l’être, criante et silencieuse, triomphante et perdue, furieuse et flegmatique, enfiévrée, discrète. Alors elle m’intrigue. Sa personnalité surtout. Cette jeune fille, femme, devenue patronne est une marginale qui le sait, préparée à s’en accommoder toute sa vie.
Et son histoire est à l’image de ses traversées en Méditerranée pour rejoindre l’Italie ou la France, elle en aime la houle, mais se fait au calme plat. Surprenante, elle aurait pourtant abandonné bien des combats. En réalité, elle est tout à ses pensées.
Quelle est son histoire ? Pourquoi ce récit ? Je ne sais déjà plus. Quel récit ?
Cette femme dont je ne sais plus le nom part, battante, à la recherche de sa vie. L’obtient. Surprend. Se surprend et s’ennuie. Repart. Je vogue, mais ne saisis pas le sens du récit, la courbe de l’histoire et l’objectif du roman. Je suis des yeux l’héroïne sans trop comprendre de quoi son histoire relève. Où va-t-elle ?

La séductrice
Et un matin, je remarque l’empreinte des embruns, la trace qu’elle laisse sur son passage. Je ne sais pas où elle va, mais elle est passée, c’est sûr. Elle est subtile cette trace, j’aurais pu ne rien voir.
Des phrases, des mots, émouvants, par bribes, laissant percevoir une vérité libre. Alors, sans crier gare le propos m’attrape en plein vol et me touche de plein fouet.
C’est dans l’indicible que la triomphante opère.
Elle devient familière. Comme tous ceux qui nous ressemblent, elle résonne en moi autant qu’elle m’apparait lointaine et insondable, originale et si commune, mon être et mon autre.
Le roman de Teresa Cremisi ne m’a pas bouleversée, mais il a ouvert une page. Et j’ai le sentiment que c’était là tout l’objectif. Quel est son nom et où va-t-elle ? Elle est un peu de moi, peut-être un peu de vous. Une femme furieuse, indocile, calme et commune. N’allant nulle part. Vivant sa vie.
La phrase : « Certains livres ont été si importants dans mon existence ; je veux dire qu’ils étaient là dans les moments où la vie s’accélérait et prenait un tournant. Ils y ont joué un rôle déterminant. J’ai même cru entendre des voix fraternelles se lever des pages de Stendhal ou Conrad ou Proust et j’ai pris des décisions en tenant compte de ce qu’elles disaient. Elles sont responsables de beaucoup de choses, elles m’ont aidée à choisir, souvent à partir. »
Le tip : Surprenez-vous à découvrir des auteurs jamais lus…
L’itinéraire : Teresa Cremisi, La triomphante, Éditions Folio (Éditions des Équateurs, 2015). 240 pages.