Pourquoi le lire ?
Contes ordinaires d’une société résignée est « un recueil de fables d’anticipation poétiques et troublantes ». Amateur.e.s de bande dessinée, de cynisme, de contes fantastiques, et de graphisme effrayant, découvrir Ersin Karabulut — rédacteur en chef de la revue satirique Uykusuz en Turquie — sera une nécessité.
Il parait que ce dessinateur est virtuose, et que ces dessins sont incroyables. Il parait aussi que cette nouvelle bande dessinée, publiée par Fluide Glacial, permettrait de comprendre un peu mieux le pays dont il est question, la Turquie, grâce aux plumes d’Ersin Karabulut. Errance et désespoir, renoncement et optimisme.
On en apprend des choses ?
Pourtant, il faut être rompu au genre et connaître un peu la société turque pour comprendre les allégories omniprésentes dans Contes ordinaires d’une société résignée.
Ersin Karabulut est sans nul doute brillant en opérant des portraits percutants de son pays, tout en poésie sombre et utopie délavée, mais le livre a beau avoir été traduit, les « sous-titres » ne sont pas évidents. Et l’esprit qui émane des dessins et des textes est définitivement turc. Cynique, absurde, cru et éveillé.
Bref, glaçant.
Que comprendre ?
Que derrière les images sombres et cruelles se cache un auteur utopiste et rempli d’espoir. Et que derrière les propos d’Ersin Karabulut — en premier lieu à destination des Turcs, puisque ces planches ont pour la plupart déjà été publiées en Turquie — se trouve une caricature d’une société mondialisée et désorientée, qui mériterait de s’asseoir, de lire les bulles, et d’être effrayée par les vignettes.
À garder en mémoire : « Avec le temps, nous devenions de plus en plus fades. Vous savez ce que c’est : la vie vous met sur les rails. Nous étions devenus ternes. À l’époque, c’était quelque chose de honteux, il n’y avait aucun médicament, rien ! Pour compenser, les gens s’habillaient gaiment, se maquillaient outrageusement. »
L’itinéraire : Ersin Karabulut, Contes ordinaires d’une société résignée, Fluide Glacial, 2018, 81 pages.