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Dans l'épaisseur de la chair, Jean-Marie Blas de Roblès

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Photo du livre "Dans l'épaisseur de la chair" de Jean-Marie Blas de Roblès (1)

Au pays de : « Dans l’épaisseur de la chair. Ou le roman vrai de Manuel Cortès, rêvé par son fils […]. Manuel Cortès dont la vie pourrait se résumer ainsi : fils d’immigrés espagnols tenant bistrot dans la ville de garnison de Sidi-Bel-Abbès, en Algérie, devenu chirurgien, engagé volontaire aux côtés des Alliés en 1942. […] Et puis il y a tous ces petits faits vrais de la mythologie familiale, les rituels du pêcheur solitaire, les heures terribles du départ dans l’urgence, et celles, non moins douloureuses, de l’arrivée sur l’autre rive de la Méditerranée. »

Brillant, ambitieux, historique, passionnant, passionné, le roman Dans l’épaisseur de la chair est l’histoire d’un pays. L’histoire d’une noyade attendue, celle de Thomas, le narrateur et celle de l’Algérie. En réchapperont-ils ?

La mémoire

Le beau titre, qui devient au fur et à mesure du texte, plus profond et intelligible que poétique m’a menée en bateau par péché d’esthétisme. Le roman Dans l’épaisseur de la chair est bien plus qu’une couverture attrayante et qu’un titre énigmatique. C’est avant tout un roman de mémoire et d’Histoire. Jean-Marie Blas de Roblès raconte son histoire (peut-être) et celle de sa famille (peut-être), mais détaille très certainement l’histoire de la France, et de l’Algérie. Cette Algérie Française (coloniale) d’avant et d’après seconde Guerre mondiale, terre d’accueil et d’exil.

Un simple mot suffit à Thomas, le narrateur, pour se plonger involontairement dans l’eau froide de l’Histoire. Celle des « pieds-noirs » qu’il n’est pas vraiment, d’après son père, Manuel Cortès ; et celle de son père, puisque Manuel, « pied-noir » d’origine espagnole, lui, a été Français d’Algérie, pied-noir en France, chirurgien ici, médecin généraliste là, volontaire aux côtés des Alliés, père progressiste, exilé et rapatrié. Alors l’auteur fait appel à sa mémoire, ou à celle de Thomas, pour combler celle de celui qui raconte peu. Il fait appel à la mienne, bien vide.

Nobles, jamais grandiloquents, les mots de Jean-Marie Blas de Roblès sont ambitieux, politiques, honnêtes et justes. Ils observent, dénoncent parfois, mais jamais ne jugent, interrogent avec les yeux de ceux qui croient, qui espèrent, qui attendent et comprennent. Et, aussi historique que soit le contexte, c’est l’histoire d’une famille, l’histoire banale (non héroïque) d’une famille, que l’auteur transmet.

Photo du livre "Dans l'épaisseur de la chair" de Jean-Marie Blas de Roblès (2)

L’immersion

"Les mots seuls ne parviennent pas à dire les choses, mais il y a des combinaisons possibles, je le sais, qui permettent au moins d’en effleurer le cœur. Comment trouver la bonne pour dire cette pleine conscience, alors, d’avoir vieilli d’un coup, d’être devenu — à huit ans et à jamais — ce que je suis ?"

C’est toute une vie que l’on traverse, de la plume simple, travaillée et exigeante du romancier. Et c’est par le mélange d’anecdotes familiales, d’évènements historiques, de digressions nombreuses et recherchées que je m’immerge dans cette aventure. C’est toute une vie, plusieurs même, que l’on traverse : celle du fils et donc du père, ou est-ce l’inverse ?

La construction du roman est belle, cinématographique. Et les enchâssements, du passé au présent au passé, récit rêvé, m’ont étonnée puis enthousiasmée. Classiques ? Ils servent le récit à merveille et permettent au lecteur de reprendre son souffle dans ces aventures de guerre et de vie, de combats et de survie.

Les descriptions sont fortes et précises, tellement fouillées que l’overdose d’imagination pointe. Ce qui ne se rêve pas, cependant, c’est bien cet hommage d’un fils à son père, d’un fils, qui, dans l’adversité, n’a d’autres solutions que de comprendre, enfin, l’identité complexe, ballotée, forcée, reconstruite du pêcheur solitaire.

La phrase : « Mon père a assisté aux massacres de Sétif, il n’a rien fait, rien dit, rien ressenti, et je ne parviens ni à l’excuser ni à l’en blâmer. Il n’est pas si facile de percevoir ce que l’on voit ; il faut beaucoup d’efforts, de concentration sur l’instant présent, sur ce qu’il offre à notre regard, pour ne pas limiter ses yeux à leur simple fonction de chambre noire. »

L’itinéraire : Jean-Marie Blas de Roblès, Dans l’épaisseur de la chair, Éditions Zulma, 2017. 384 pages.

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