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By the rivers of Babylon, Kei Miller


​Toujours remplies de vies et de voix, les histoires de Kei Miller happent sans violence. Avec lui, la poésie d’une langue suffit à dénoncer la souffrance d’un peuple. 6 ans séparent l’écriture de By the rivers of Babylon de celle de L’authentique Pearline Portious ; plus de 2 ans séparent mes lectures. J’ai retrouvé le murmure des mots et le talent de conteur de l’auteur.

Au pays de : « En cet après-midi d’avril 1982, Kaia rentre de l’école. Sa grand-mère l’attend, assise sur la véranda. Ma Taffy n’y voit plus mais elle sait reconnaitre l’odeur entêtante de la calamité. On a coupé les dreadlocks de Kaia — sacrilège absolu chez les rastafari, qui se règle par le feu et le sang. Bercée par le chanvre et tout l’amour qu’elle a dans le cœur, Ma Taffy raconte alors à Kaia sa plus belle histoire et la fierté de son peuple : l’ascension d’Alexander Bedward, le Prêcheur volant… »

Mots-chants

Utiliser mes mots pour résumer l’histoire des rastafari et de By the rivers of Babylon serait absurde tant les mots de Kei Miller proposent justement un regard singulier ; serait dommage tant les intrications du récit portent le propos de l’auteur et conduisent le lecteur bien plus loin que ce qu’il pensait atteindre avec un récit sucré salé coloré ; serait imprécis puisque c’est l’Histoire d’hommes et de femmes que Kei Miller propose ici, à l’orée des mythes, au pied de la réalité.

Absurde, dommage, imprécis. La preuve, des heures que mes mots tournent autour des siens, mais rien ne va, car tout est déjà là.

Nul besoin d’« il était une fois », mais seulement des coordonnées géographiques de la Jamaïque. Il ne faut que cela à Kei Miller pour vous embarquer. Quelques mots au départ, comme une adresse qui vous alpague et vous dit qu’il faudra ouvrir vos oreilles et prendre un ti-moment. Quelques mots chuchotés et une promesse : celle que Kei Miller vous conduira au-delà même des chemins de terre, des cabanes de tôle, des collines riches et des vallées pauvres… Il chuchote et tout prend forme dans un souffle, l’air de rien. Dans un chant, les mots explosent, imagés, mystérieux ; dans un chant, les mots s’envolent et vous envolent et vous élèvent, pour regarder plus loin, plus haut, plus large que ce que Babylone vous dicte.

Mythes-mots

Babylone c’est la répression, l’autorité, les règles dictées par une minorité, l’anéantissement des cultures, le lissage d’un pays, l’appropriation d’un territoire, la suppression des racines, des dreadlocks, bref, l’invisibilisation d’un tout. Pourtant, la Jamaïque, c’est aussi l’histoire d’une philosophie prenant sa source en Éthiopie et des croyances d’un peuple aux cheveux longs.

Alors Kei Miller ne (re)met rien d’autre en mots que l’Histoire dans ce nouveau livre. Parler d’Histoire parallèle serait peut-être plus juste puisque tout le propos est d’enfin mettre en avant celle qui n’est pas racontée dans les livres, diminuée dans les médias. Le temps de l’autoclapse est arrivé. Qu’importe le réalisme magique, les prophéties, les religions, Kei Miller apporte lettres et réalité à ce qui a trop longtemps été tu. Il redonne une couleur à un chant, et une poussée à l’envol d’un homme.

Malgré les chuchotements colorés de Kei Miller, la vocation de By the rivers of Babylon n’est pas d’endormir les enfants, mais au contraire, de les éveiller, les élever pour qu’ils apprennent à voir plus grand, à croire plus haut, à observer et comprendre pour toujours remettre en question.

La phrase : « “Marchons !” : le mot flotte dans l’air et tous semblent le contempler. Souvent, la vie prend ainsi consistance : elle est modelée par des mots qui ne sont pas seulement prononcés mais qui persistent. Leurs syllabes collent dans l’air jusqu’au moment où chacun peut sentir leur substance poisseuse. Plus que de simples sonorités : des syllabes qui s’agrègent pour devenir quelque chose de tangible, ainsi la femme qui se tourne vers son mari et lui dit C’est fini. Ou l’esclave qui murmure à la canne qu’il est sur le point de couper le mot Liberté. Marcher ? Le mot colle. Personne ne trouve d’objection. »

Le tip : Suivez le chant.

L’itinéraire : Kei Miller, By the rivers of Babylon, Éditions Zulma, 2017 (traduit de l’anglais par Nathalie Carré). 256 pages

Le guide : Merci aux Éditions Zulma pour ce voyage jamaïcain par service de presse.

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