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La panthère des neiges, Sylvain Tesson



De Sylvain Tesson, je n’ai presque rien lu, mais j’ai beaucoup entendu. J’ai commencé ma lecture de La panthère des neiges avec intérêt certain, mais sans attente particulière ; heureuse, pour autant, de découvrir un genre d’écriture qui ne m’est pas familier : le récit d’écrivains explorateurs. Ma lecture me conduira loin, certainement pas au Tibet, destination pourtant promise.

Au pays de : Sylvain Tesson voyage au Tibet avec l’équipe du photographe animalier Vincent Munier pour suivre leur traque de la panthère des neiges.

Doit-on lire les carnets d’explorateurs ?

Bien sûr qu’il est beau de lire des carnets d’exploration. Bien sûr qu’il est plaisant de découvrir des mondes inconnus, inaccessibles, exotiques à travers les yeux d’un conteur dont la curiosité n’a d’égal que l’ouverture d’esprit et la soif de rencontres. Pourquoi se priver de partir à l’aventure, main dans la main, avec cet auteur qui prend tous les risques pour nous ?

Avec Sylvain Tesson, pourtant, cette question me vient dès les premières pages. J’avance et je recule, tentant d’écouter le silence fracassant que Tesson pense décrire. Mais du silence ne surgit que l’auteur relisant bruyamment, avec délice, ses propres mots, trop heureux de trouver le silence de l’affût comme prétexte pour se raconter, se décrire et parler de lui. Trop heureux de s’entourer de mots savants ; d’incarner la nature, puisqu’il la décrit. À peine quelques pages, et j’ai l’impression de lire la prose d’un écrivain aimant se lire, sachant chasser le mot, ou croyant devoir savoir. Exalté, sans doute, d’être le héros en creux de son propre récit. Je m’attends d’ailleurs à ce qu’arrive bientôt l’épiphanie attendue : « traquer la bête, c’est finalement se chercher soi-même »…

Mais quelle bête traque-t-on ?

Or, que l’auteur Sylvain Tesson soit le héros caché de son propre récit d’exploration pourrait effectivement faire sens. La découverte, en exploration, est sans doute double : à mesure que l’un découvre l’ailleurs, il découvre le soi. Mais cette aventure ne me semble prendre sens que si elle ouvre, avant tout, la porte au lecteur vers un monde inconnu. C’est le cas, mais le monde n’est pas le bon.

Le Tibet, la panthère des neiges, le photographe, ses deux assistants —l’une cinéaste, l’autre philosophe —, les animaux, la nature. Tout est là.

Secondaire.

Le monde inconnu est un faire-valoir et semble exister pour ne remplir qu’un seul objectif : mettre en avant les considérations de l’auteur qui ne parle que de lui, qui mêle à l’aventure l’amour perdu et le deuil d’une mère ; mettre en valeur un écrivain qui se cite, capable même, à plusieurs reprises et l’air de rien, d’inclure le mot « tesson.s » dans sa narration. Le message est subliminal. Faut-il lire l’auteur plus que les mots ? Une de ses anciennes amours ne peut le dire mieux, Sylvain Tesson la cite : il lance des « pétards mouillés ». Et n’a de poète que l’ambition de l’être.

Quand on doit écrire, qu’écrit-on vraiment ?

Car Sylvain Tesson mélange les genres et profite de cette Panthère des neiges pour transmettre tous azimuts philosophie, psychologie et positions « engagées » (sur les chasseurs, les scientifiques, etc.) qu’il aborde au détour d’une veille, d’une soupe et d’un feu dans une grotte. Ces états d’âme me gênent. Ils prennent tantôt la forme d’introspection factice, tantôt celles de postures violentes et méprisantes. Écrire est-ce toujours raconter ? Faut-il dézinguer les uns pour faire le panégyrique des autres ? Et quand bien même le récit d’exploration — qui pourrait se suffire à lui-même — serait le lieu adéquat pour affirmer ses partis pris politico-environnementaux, les positions de Sylvain Tesson sonnent souvent creux et presque trop à propos. Le risque ici n’était-il pas dans la prévision ? Prévoir de partir et donc prévoir d’écrire ? Alors, qu’écrit-on du voyage, de l’attente, et du silence quand le voyage, le silence et l’attente sont planifiés ?

Fatiguée par les aphorismes et la pédanterie de Sylvain Tesson, je cherche réconfort dans la traque de cette panthère, qui seule, pourrait me consoler. Après tout, n’est-elle pas l’objet du récit ? Mais même elle est furtive. A-t-elle, elle aussi, conclu que la culture n’avait pas sa place dans la nature, et que les mots de son traqueur n’étaient pas de bons compagnons ?

La phrase : « Sous les voûtes de mon enfance et sur cette pente du Tibet, régnait la même inquiétude, suffisamment diffuse pour me sembler bénigne mais constamment présente pour n’être pas légère : quand prendrait fin l’attente ? Il y avait une différence entre la nef et la montagne. À genoux, on espère sans preuve. […] À l’affût, on connait ce que l’on attend. »

Le tip : Attention aux tessons.

L’itinéraire : Sylvain Tesson, La panthère des neiges, Éditions Gallimard, 2019. 176 pages.



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À très bientôt, avec un nouveau livre, et de nouvelles questions !

Hélène, de Starting Books


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