Mon retour aux romans policiers, que j’avais abandonnés il y a quelques années pour « délit de genre pour ados » n’est pas banal. La reine des pommes, ou le titre le moins policier que je connaisse - et j’en connais peu…- m’a été conseillé par un spécialiste du genre (policier) de la Fnac. Pas poussiéreux, moderne, piquant. C’est - apparemment - ce qu’il me fallait.
Effectivement, drôle de voyage en terres policières…
Au pays de : « A Harlem, ville de tous les possibles, dans la crasse et la misère, Jackson reste de loin le truand le plus candide qui soit. Il est « la reine des pommes », celui que les petites frappes, les flics pourris et les garces entubent à longueur de journée. Mais ce demeuré a la Foi; celle qui sauve, la pure, l’aveugle, la sublime. Une Foi qui lui fait croire aux miracles et aide à les rendre possibles […] »
Le paradoxe
Hors de ma zone de confort, cette lecture m’a définitivement prise à mon propre jeu. J’avais une vision « bas-étage » du genre, une image clichée, figée. Évidemment, je ne m’attendais pas à de l’humour, de l’ironie, des traits d’esprit dans un roman policier. Juste à une intrigue.
J’avais tout faux. J’ai eu l’humour, mais pas l’intrigue.
Pourtant, j’avais précisément demandé à cet expert du genre de la Fnac, de me conseiller un roman policier qui sorte de l’ordinaire, un classique moderne, pour ne surtout pas retomber dans les schémas « historiques » et anglais. Qu’à cela ne tienne, Chester Himes est américain.
Et il a vivement bousculé la jeune ado qui sommeillait en moi, presque choquée de ne pas retrouver ces clichés inconscients, ce que je pensais être les fondements, les leviers classiques d’un roman policier.
L’écriture de Chester Himes est brute et réelle. Elle décrit les bas-fonds d’Harlem, ses truands poètes des rues et leurs expressions familières et imagées.
Je me suis retrouvée adolescente, Agatha Christiesée, devant un roman policier d’adultes. Il était temps.
L’inégal
Alors évidemment, en attente de l’intrigue, j’ai eu du mal à m’impliquer dans l’histoire. Mais Chester Himes me pique et m’accroche, et certains passages sont géniaux. Les descriptions sont impressionnantes de réalisme. Et les personnages particulièrement pittoresques. Pour autant, je ne suis pas sûre d’avoir aimé outre mesure.
Mais, peut-être que le choc passé, l’envie de lire les aventures d’Ed Cercueil et du Fossoyeur se dessinera. À l’image de mes lectures de Charles Bukowski, où, après le rejet du premier livre, a succédé l’admiration du second.
La phrase : « Et brusquement, il se mit à courir, mais sans bouger. C’est à l’intérieur que ça galopait. »
Le tip : Si vous êtes particulièrement empathique, il se pourrait bien que ce trait de votre personnalité soit mis à rude épreuve. La reine des pommes n’attirera, pour une fois, sans doute pas votre sympathie.
L’itinéraire : Chester Himes, La reine des pommes, Éditions Gallimard, Coll. Folio Policier. 1958. 288 p.