En Islande, le temps coule et s’écoule au rythme de la nuit. La nature est omniprésente et profite des quelques instants de soleil, instants de répit que le climat lui offre. En Islande, les traditions sont belles et poétiques, comme un chant de rhubarbe à flanc de montagne. En Islande, même sans ses jambes, Agùstina rêve de gravir sa montagne.
Au pays de : « Souvent, aux beaux jours, Agùstina grimpe sur les hauteurs du village pour s’allonger dans le carré de rhubarbe sauvage, à méditer sur Dieu, la beauté des nombres, le chaos du monde et ses jambes en coton. C’est là, dit-on, qu’elle fut conçue, avant d’être confiée aux bons soins de la chère Nina, experte en confiture de rhubarbe, boudin de mouton et autres délices »
L’attente
Pour avoir lu le magnifique roman Rosa Candida, d’Audur Ava Olafsdottir, et être littéralement tombée sous le charme de l’écriture de l’auteure, je m’attendais à retrouver la même douceur, la même lenteur pour fil conducteur, et le même charme d’une histoire silencieuse.
Les ingrédients sont presque les mêmes : la nature sauvage, l’Islande, l’adolescence et la recherche d’un soi. La douceur, la lenteur et l’histoire silencieuse sont là, aussi.
Comme pour Rosa Candida, je ne suis pas pressée, je sais qu’il faut prendre son temps avec Audur Ava Olafsdottir. Je sais que la magie de son écriture, transformant prose en poésie ne s’opère qu’après un certain temps d’adaptation, comme un apprivoisement.
L’impatience
En vérité, je m’impatiente un peu.
J’ai parfois du mal à trouver ma place dans l’énonciation. Est-on toujours dans la tête d’Agùstina, rêve t-elle, se projette t-elle ? Est-elle fantasque ? Naïve ? Ou est-elle, au contraire, si lucide sur sa condition (elle est invalide) et sur son histoire (abandonnée par père et mère) qu’elle décide de leur accorder des statuts plus poétiques ?
Manifestement oui, puisque je découvre malgré tout la force et l’extraordinaire caractère d’Agùstina. Je vois sa capacité à surmonter son état. Je comprends sa non-envie d’être comme les autres, sans pour autant sacrifier ses rêves de personnes « valides ». J’admire sa marginalité et l’intrinsèque poésie de sa propre personne. Je vois de la douceur et de la bienveillance dans sa naïveté. J’y vois, au fond, une véritable résilience.
À l’image du personnage principal, qui ne réussit pas à construire de vue d’ensemble et qui commence toujours par les détails, en circonvoluant, Le rouge vif de la rhubarbe nous décrit la vie de cette ville côtière, d’Agùstina et de Nina. De l’homme « à tout faire ». L'auteur nous donne des détails sans réellement rentrer dans une histoire spécifique.
En douceur, nous tournons autour de l’île. Nous entrons dans la parenthèse d’un village, dans les rêves d’une jeune fille. Nous survolons, sans nous poser, le rouge vif du carré de rhubarbe.
La phrase : « La mer me manque, j’ai besoin de vagues pour balayer les pensées tenaces de la nuit ».
Le tip : Ne cherchez pas d’histoire spécifique, il n’y en a pas.
L’itinéraire : Audur Ava Olafsdottir, Le rouge vif de la rhubarbe, Editions Zulma, 2016. 160p.