
Au commencement, je ne sais rien. Sans résumé, Une tête de nuage ne m’attire que par son titre poétique et prometteur, et son auteur, que j’avais découvert l’année dernière avec le magnifique roman Montedidio.
Au commencement, je ne sais rien. Pas même qu’il y a un avant, et qu’Une tête de nuage est une suite. Je ne sais rien, surtout pas que ce livre d’Erri De Luca est une relecture de la nativité.
Au pays de : « Une femme, Miriàm. Un homme, Iosèf. Un jeune couple d’amoureux. Ils se sont rencontrés en Galilée, au nord d’Israël, et vont se marier à Nazareth. Quand Miriàm annonce à son fiancé qu’elle attend un enfant dont il n’est pas le père, Iosèf ne la dénonce pas aux autorités, comme la loi le prescrit. Il croit en sa parole. Il croit qu’elle est enceinte d’une annonce, il croit à une vérité invraisemblable. »
La surprise
« Joseph de Bethléem était un juif de bonne famille ».
Les premiers mots sont éclairants. Tel un conte, la préface permet à chaque lecteur de lire, ou de relire, de savoir ou d’apprendre la genèse d’une naissance bien connue. Nous aurons tous un niveau égal de connaissance : Joseph de Bethléem n’est pas le père de l’enfant de Miriam. Mais « c’est l’hiver, et Iosèf, celui qui ajoute, ajoute sa foi seconde à la foi incandescente de sa fiancée transformée ».
Mais pourquoi donc cette préface ? Parce que le roman auquel je m’attends n’en est pas un. Et la préface n’est pas simplement un éclairage original sur une fiction à venir, mais bien le début de l’histoire, telle qu’elle est connue.
Et ma surprise n’est pas fiction. Les premières pages de ce livre, construit pour certains passages, sous forme de dialogue entre Miriàm et Iosèf, m’entraînent au cœur d’un récit que je connais peu. Étrange ovni que cette relecture. Je revisite souvenirs et connaissances, un peu perdue et beaucoup à l’ombre du texte et des références parfois ironiques que je perçois, mais ne sais comprendre.

L’abandon
Je finis malgré tout par m’abandonner à cette lecture étrange, embrassant ce mystère et offrant la place qu’elle mérite à cette occasion originale et involontaire de comprendre mieux, autrement, de manière dramatique et humaine, les passages de cette vie de Ièshu, Jésus, si souvent racontée, relue, interprétée qu’elle en devient parfois, entièrement oubliée.
Alors, certes, je me sens souvent inculte, mais n’en fais pas une histoire, et salue cette belle proposition.
À la fin, je sais un peu. Et j’irai peut-être même découvrir l’avant. Et l’après.
La phrase : « Il existe ainsi des énergies qui ne veulent pas de puissance, ne visent pas à renverser des trônes et des tyrannies, bulles de faste qui crèvent toutes seules sur la distance. »
Le tip : Une tête de nuage succède à une fable précédemment publiée, Au nom de la mère.
L’itinéraire : Erri De Luca, Une tête de nuage, Editions Gallimard, 2018, 104 pages